Le réchauffement climatique, résultant en grande partie des émissions de gaz à effet de serre (GES), représente un défi colossal pour l'industrie agro-alimentaire. La nécessité de comprendre ces risques, d'adapter les pratiques et de mettre en place des plans d'adaptation devient impérative pour assurer la durabilité de ce secteur vital pour l’alimentation humaine.
Selon les données du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les émissions mondiales de GES ont atteint des niveaux alarmants, dépassant les seuils acceptables pour maintenir un climat stable.
L'alimentation est le 3ème poste le plus émetteur de GES (22%) après le transport (30 %) et le logement (23 %)
Pour comprendre l'impact du changement climatique sur l'industrie agro-alimentaire, il est essentiel de se pencher sur les émissions du secteur.
Selon le Commissariat général au développement durable, les émissions de CO2e liées à l'agriculture représentent près de 27% de l'empreinte carbone de l’alimentation d'un Français.
Parallèlement, le secteur agro-alimentaire, fortement dépendant de l'agriculture, génère également une part significative d'émissions, notamment à travers la transformation, le transport amont et aval ainsi que l'emballage des produits.
L'impact du changement climatique sur l'agriculture affecte aussi les sites industriels
Le changement climatique a des répercussions directes sur l'agriculture, modifiant les conditions météorologiques, altérant les schémas de précipitations et intensifiant les phénomènes climatiques extrêmes. Les inondations, les sécheresses et les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes, mettant en péril les cultures et la sécurité alimentaire. Parallèlement, les sites industriels de l'agro-alimentaire sont également exposés à des risques accrus, allant de l'approvisionnement instable en matières premières agricoles à l'impact sur les infrastructures de production.
Des événements climatiques tels que les incendies de forêt en Aquitaine, les inondations dans toute l’Europe et les vagues de chaleur record en 2023 ont déjà entraîné des conséquences dévastatrices sur l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire. Des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement ont été observées, affectant la disponibilité des produits et entraînant des pertes économiques considérables. Ces exemples concrets soulignent l'urgence d'agir pour renforcer la résilience de l'industrie face aux risques agro-climatiques.
Des exigences réglementaires qui s'accentuent
Les entreprises du secteur agro-alimentaire sont désormais confrontées à des réglementations de plus en plus strictes en matière d'émissions de GES, d'utilisation des ressources naturelles et de pratiques agricoles durables : Bilan des Emissions de Gaz à Effets de Serre (BEGES) en France, Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) en Europe ou encore l'application des règlements « Taxonomie » et « SFDR » (pour Sustainable Finance Disclosure Regulation, règles de publication d'informations en matière de durabilité).
En 2023, la Commission européenne a présenté le « Net Zero Industry Act » (« zéro émission nette ») dans le cadre du plan Green Deal, visant à renforcer l'écosystème européen de fabrication de produits technologiques bas carbone. Cette proposition s'inscrit en réponse aux initiatives de partenaires économiques internationaux tels que la Chine et les États-Unis. Les réglementations européennes ont influencé le cadre législatif français, notamment la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) de 2015, révisée en 2020 (SNBC 2) avec des objectifs accrus. Cependant, les émissions industrielles dépassent les budgets carbone, selon le Haut Conseil pour le Climat (HCC), soulignant la nécessité d'accélérer les réductions pour atteindre les nouveaux objectifs du « Fit for 55 » de 2030, un défi pour le secteur industriel européen.
Cela représente à la fois un défi et une opportunité pour l'industrie de repenser ses opérations et de jouer un rôle actif dans la transition écologique.
La transition écologique : un levier de résilience face aux risques agro-climatiques
La compréhension des risques agro-climatiques nécessite des diagnostics approfondis et des techniques d'évaluation basées sur des paramètres spécifiques. Dans le rapport de synthèse du 6ème rapport d’évaluation (AR6), le GIEC propose une formule de calcul du risque, défini comme le produit de l'aléa, de la vulnérabilité, et de l'exposition.
Aléa : Correspond aux événements climatiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les tempêtes, etc.
Vulnérabilité : Mesure de la sensibilité d'un système à ces événements, pouvant être liée aux pratiques agricoles, aux infrastructures, etc.
Exposition : Degré d'interaction d'un système avec les aléas, impliquant souvent la localisation géographique des sites industriels.
L'utilisation de cette formule permet aux entreprises d'évaluer de manière précise les risques auxquels elles sont confrontées et de mettre en place des stratégies d'adaptation ciblées.
Face à ces risques agro-climatiques, l'élaboration d'un plan d'adaptation devient essentielle pour renforcer la résilience de l'industrie agro-alimentaire.
Le Guide Méthodologique OCARA («Operational Climate Adaptation and Resilience Assessment » : outil de conception et d'analyse des risques agro-climatiques) élaboré par Carbone 4 offre aux entreprises agro-alimentaires un outil pratique pour évaluer et anticiper les risques liés au climat. Il propose des solutions adaptées pour renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement, des installations de production et des réseaux logistiques.
Dans son approche holistique de la gestion des risques agricoles, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) identifie trois niveaux de risque nécessitant des réponses différentes.
Les variations normales peuvent être gérées par les agriculteurs eux-mêmes ;
Les risques transférables, qui peuvent être gérés par des instruments tels que l'assurance ou la coopération entre agriculteurs ;
Les événements rares et catastrophiques qui nécessitent souvent l'intervention des pouvoirs publics.
En face du changement climatique, qui multiplie les phénomènes météorologiques sévères, la question de la classification de ces risques demeure un défi. En fin de compte, l’OCDE préconise des mesures préventives et ex ante pour renforcer la résilience du secteur agricole et du système alimentaire dans son ensemble.
Vers une industrie agro-alimentaire résiliente ?
En conclusion, les risques agro-climatiques représentent un défi systémique complexe pour l'industrie agro-alimentaire, nécessitant une approche intégrée et des mesures à plusieurs niveaux. La compréhension du contexte des émissions de GES, des impacts concrets sur l'agriculture et les sites industriels, des exigences réglementaires, des diagnostics et techniques d'évaluation des risques, ainsi que des plans d'adaptation, sont des éléments clés pour renforcer la résilience de l'industrie face à ces défis cruciaux.
La transition écologique apparaît comme une voie incontournable, favorisant des pratiques plus durables et une réduction significative des émissions de GES. Il est impératif que l'industrie agro-alimentaire s'engage pleinement dans cette transition pour assurer sa pérennité face aux défis croissants du changement climatique.